Faut-il suivre son coeur ou sa raison ?
Question d'un lecteur qui se reconnaîtra. Ce ne serait pas mon genre de répondre à une question si complexe. Mais j'observe qu'il y a des réponses dans la question. Ou plutôt des réponses qui ont eu lieu avant même que la question n'ait été posée. Notamment cette idée que le coeur et la raison sont deux polarités de notre être. Polariser, c'est aussi cela; attribuer telle décision à notre coeur, l'autre à notre cerveau. Or, il se pourrait bien que cette séparation n'ait aucun sens. Ou que le véritable problème potentiel pour la personne soit un clivage, c'est-à-dire une césure entre deux parties de son être, avec une incapacité à les intégrer et à les faire fonctionner ensemble. Ce qu'on appelle à l'extrême une psychose. Comme par exemple Dr Jekyll et Mister Hide. Deux parties d'une même personne qui ne se connaissent pas l'une l'autre.
Dire qu'on fonctionne avec le coeur, c'est quand même fonctionner avec son cerveau mais prendre en compte davantage les ressentis, les émotions. Ce serait donc une chose bizarre de penser que nous avons plusieurs "nous" en nous. Vous me direz que c'est un symbole. J'en constate cependant la réalité en permanence avec cette idée, par exemple, qu'on doit laisser les émotions à la porte des entreprises.
Ma croyance est qu'il y a là, justement, une source de clivage. Refuser de prendre en compte ses émotions ou ses ressentis corporels, c'est non seulement s'amputer d'une partie de ses perceptions – et donc d'une partie de l'information sur les situations – mais de surcroît désapprendre à les comprendre au risque que, à force d'être contenues, elles ne se manifestent que dans l'explosion. Manifestation extrême qui accroit notre prévention et notre réticence.