Le choix n'est pas une question d'arguments
Une nation est en général composée de deux sortes de personnes : celles qui prennent des décisions, et celles qui les critiquent.
Un mien camarade pestait récemment contre le gouvernement parce que, disait-il, le confinement nous mène au suicide économique et que, pensait-il, on aurait pu procéder autrement.
Imaginons une seconde qu'il ait raison. Disons raison à 95 %, ce qui serait un degré de certitude très enviable dans ce monde d'incertitude. Depuis son canapé, mon camarade serait ainsi fondé à penser ainsi. Mais, s'il était aux commandes, prendrait-il les décisions correspondantes ? Aurait-il consenti à prendre les 5 % de risque qui lui semblent dérisoires derrière son écran ? Rien n'est moins sûr.
C'est le neuroscientifique Antonio Damasio qui a montré, au travers du cas clinique de son patient Elliot, que les compétences pour analyser une situation et prendre effectivement les décisions ne sont pas les mêmes. À la suite d'une opération au cerveau, Elliot avait toujours les premières mais non les secondes.
C'est ce qui fait qu'il y a un fossé d'incompréhension entre les personnes au pouvoir — dans un état ou dans une organisation — et ceux qui ont à subir ce pouvoir.
Est-ce à dire que toute critique est impossible ? Non, car c'est le jeu de la démocratie et ça ne peut pas exonérer les personnes en charge des responsabilités de rendre des comptes. Mais cela montre que la critique où l'auteur engage sa responsabilité a une valeur incommensurablement supérieure.