Est-ce que je suis normal ?
C'est presque une interrogation existentielle. Car n'être pas normal, c'est être définitivement inadapté au monde qui nous entoure, c'est donc être condamné à ne jamais y trouver une juste place. Soit parce que nous pouvons être rejetés, tel le personnage du film Elephant man, soit — pire encore ! — parce que notre conscience du monde pourrait s'en aller à vau-l'eau et faire de nous des orphelins du réel.
Ma propre expérience, forcément limitée, m'incline à penser que, face à ce sentiment d'anormalité, à cette béance, ce vertige, les arguments rationnels sont de peu d'effet. D'abord, il faut l'avouer, parce qu'ils n'ont souvent de rationnels que le nom ! N'est rationnel que ce qui s'appuie sur un sol solide. Dans le monde de l'anormal, point de sol de la sorte, mais des gouffres qui s'ouvrent sous les pieds.
Ce qui me semble le plus efficace est une simple tranquillité, comme si tout, au contraire, était parfaitement normal, y compris le sentiment de ne pas l'être. Car ce qui rassure dans la prison de ce regard sur soi, c'est de n'être pas seul. Qu'une personne au monde nous comprenne ou semble simplement être avec nous, voilà ce qui peut nous apaiser : peut-être suis-je en dehors du monde de la normalité, mais au moins, où que je sois, je n'y suis pas seul.