Le destin, ou la marque de la répétition
Une histoire drôle met en scène un homme qui va voir son médecin en se plaignant de nombreuses douleurs. "J'ai mal ici quand j'appuie, dit-il en montrant du doigt sa jambe, ici en montrant à nouveau du doigt son coude, ici, ici et là et encore là...
— En fait, lui répond le médecin, vous avez mal au bout du doigt".
Cette histoire illustre notre capacité à faire des conclusions hâtives et à se tromper sur la causalité; par exemple en invoquant le destin (ou les autres, ou mon patron, ou mon conjoint, ou la société, ou mon passé...) pour expliquer nos propres déboires.
Au contraire, je peux vous proposer de prendre à rebours le proverbe qui dit que le sage regarde la lune et l'imbécile le bout du doigt. En l'occurrence, le sage, le vrai, celui qui affronte la réalité, serait plutôt celui dont le regard ne porterait pas trop haut, qui ne se laisserait pas aller à la généralisation, parfois plutôt confortable, de dire que c'est "un coup du destin". Pour cela, il faut rentrer dans le petit, dans le détail; mais aussi entrer dans notre propre zone d'ombre, celle que nous n'aimons pas regarder... Notre faillibilité, notre petitesse, notre médiocrité, notre lâcheté et... notre violence. Faute de quoi, nous nous condamnons à une fausse image de nous-même. Nous nous condamnons à subir la répétition et rencontrer encore et toujours les mêmes obstacles sur notre chemin; nous nous soumettons à un destin armé par nous.
Pour aller plus loin, voir l'article Permettre les conflits, éviter la violence