Débat Valéry Giscard d'Estaing / François Mitterrand
J'avais dix ans et pourtant je m'en souviens. On dit que c'est la réplique qui a permis à VGE de remporter l'élection présidentielle. Si cela est vrai, c'est dire que le fonctionnement de notre démocratie dépend d'un mot. Mais il y a là une leçon plus universelle, me semble-t-il. Une leçon porteuse d'espoir d'après moi, qui dit que la radicalité ne paye pas. Je n'oserais certes pas accuser François Mitterrand d'être un être radicalisé, au sens où on l'entend aujourd'hui. Mais il y avait quelque chose de radical dans son propos, en disant que son adversaire n'avait pas de coeur. C'est là le point faible de la radicalité et l'atout de la modération: à un moment, ça va trop loin et l'édifice s'écroule. Toute la difficulté, pour celui qui fait face, est de dénoncer l'exagération contenue dans toute radicalité. Ce qu'a fait avec brio ou chance, je ne sais pas, VGE ce soir-là.
La question est donc: comment face aux radicalités nouvelles (et je ne parle naturellement pas du candidat malheureux de 74), comment donner à voir ce qu'elles contiennent d'excessif, en nous rejetant à une infinie distance des valeurs qu'elles défendent. Comme si certains n'avaient pas de coeur, d'autres pas de rigueur ni d'exigence, d'autre encore pas de sens du sacré ou de l'autorité. Comment en effet mettre en évidence le fait qu'elle dénie à leurs opposants la qualité d'êtres humains. Tout simplement en nommant ce déni et en revendiquant que nous partageons les mêmes valeurs qu'eux, mais autrement. Vous n'avez pas le monopole du sacré, vous n'avez pas le monopole de la loyauté, vous n'avez pas le monopole du respect de l'autorité...