Modifier les équilibres
C.
me raconte que sa mère de 75 ans s'est fracturé le bassin à la
montagne. Elle s'est fait rentrer dedans par une jeune femme sans doute
imprudente. À première vue, cette information a tout du drame : une
femme d'un certain âge victime d'un grave accident. En entendant
l'histoire, je me dis déjà qu'elle va dépérir et que la cohorte des
sévices des années qui passent va bientôt s'abattre sur elle.
En
réalité, sa mère est maintenant en maison de convalescence et se porte
comme un charme. Plus encore ! Elle, qui a toujours apprécié la vie en
collectivité, est ravie d'être là. Elle parle à tout le monde, s'est
fait de multiples amis.
À
la maison, poursuit C., c'était toujours mon père qui prenait la
parole, tandis que ma mère se tenait en réserve. Là, c'est le contraire
qui se produit : quand il vient la voir, il reste tranquillement sur sa
chaise à écouter les conversations.
Cela
ne s'arrête pas là : C. a passé le week-end dans la maison de ses
parents, donc seule avec son père. Celui-ci était ravi de lui faire à
manger. « Quand ta mère est là, dit-il, elle préfère le faire. »
Où
l'on voit qu'une mauvaise nouvelle apporte des changements plutôt
réjouissants. « Derrière chaque pire, il y a un mieux », disait la
grand-mère que j'évoquais dans l'introduction. Son petit-fils voulait
devenir pompier mais venait d'être refusé à la visite médicale.
Aujourd'hui, il se prétend plus heureux que s'il avait suivi la voie
qu'il avait initialement choisie.
Ainsi
du conflit : une détérioration de la relation et de la tranquillité
pour, pouvons-nous l'espérer, quelque chose de meilleur. En gardant à
l'esprit que l'absence de conflit n'ouvre pas la voie de la stagnation,
mais de la détérioration... Il est le moyen de retrouver des équilibres
avant que les déséquilibres cachés ne ruinent la situation.